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Deux personnes qui ne se comprennent pas

Mieux penser « le radicalisme » et « la radicalisation » ?

Les études et les discours sur le radicalisme et la radicalisation en France sont minés par deux choses : la croyance en un « universalisme radical » qui fait en sorte que nous pensons que ce qui est « radical » l’est naturellement et pour tout le monde, et la polarité artificielle qui fait que l’altérité est perçue comme une entité naturelle, autonome, à la violence immuable.

Les raisons sous-jacentes, conscientes ou non, demeurent:

  1.  La posture ethnocentrique : « Ce que je pense est vrai parce que JE le pense; ce que nous pensons est la vérité parce que nous le pensons ».
  2.  La volonté de mettre à distance l’autre, le barbare porteur de toutes les tares imaginables, y compris de projeter sur lui les nôtres.

En réalité il s’agit là d un invariant anthropologique, c’est-à-dire que nous retrouvons cela dans toutes les cultures, chez tous les « peuples ». Finalement, pour mieux pouvoir aborder le phénomène du rigorisme religieux (radicalisme) et de l’activisme violent (radicalisation), il faudrait d’abord que des ethnologues, pourquoi pas étrangers, puissent venir nous étudier dans nos manières d’être, de faire, de sentir l’autre afin d’avoir un feed-back sur nous-mêmes.

L’accepterions-nous sachant que l’ethnologie est avant une discipline occidentale qui, historiquement, souhaitait comprendre les peuples et sociétés « primitives » ? Sachant que nous sommes les « Lumières » ?

Redwane El Bahar

Doctorant en sociologie, je mène une thèse intitulée : "radicalité, radicalisme et radicalisation en lien avec un contexte islamique en France.

Cet article a 2 commentaires

  1. Bachir

    Bonjour,
    J’ai 2 points à rajouter suite à la lecture de à votre article.
    1/ Il n’y a pas obligatoirement passage du lrigorisme religieux(radicalisme) vers radicalisation(activisme violent). La question de la violence est primordiale. Cette violence se nourrit de plusieurs parametres tels que  : le rejet, la discrimination, le manque de perspectives etc…Ce qui est pour une partie de la population(minorités ethnique ouraciale) constitue presqu’unparadigme (musique, comportement, langage). Cette violence est d’autant plus extreme car la découverte du rejet ce fait assez tardivement pour les jeunes d’aujourd’hui. En effet, contrairement à leurs ainés la confrontation avec la majorité se déroule aujourd’hui sur le marché du travail. Car avant l’entrée sur ce marché, il evolue dans un environneùment qui leurs est propre (nourriture, religion, archétype etc..) Qui pourrait s’apparenter à une société « primitive » . Confrontés à ce choc émootionnel certains peuvent agir avec plus de violence que ce soit contre eux memes ou contre les autres
    2/ Le pouvoir de ce décentrer par rapport à une situation est très difficles surtout lorsqu’il s’agit d’un travail scientifique malgré l’ancrage(grounded theory) car l’étude doit etre pluridisciplinaires(socio, anthropo economie histoire). Malheureusement, l’académie nous demande d’etre de plus en plus spécialisée pour pretendre à une reconnaissance or il faut une perspective globale pour prétendre à une connaissance.
    Je vous remercie pour votre travail et vous encourage à continuer
    Bachir de Molenbeek

    1. Redwane

      D’abord, permettez-moi de vous remercier pour votre intérêt et votre participation à travers votre remarque.

      Pour vous répondre.
      Concerant le premier point que vous soulevez, vous avez raison : il n’y a pas obligatoirement passage entre le rigorisme religieux et l’activisme violent. C’est là d’ailleurs, un propos central au coeur de mes travaux.
      Pour aller un peu plus loin, la perte de « substance religieuse » chez les activistes violents en France fait que dans beaucoup de cas, les acteurs violents ne passent même plus par la phase d’acquisition théologique, pour agir. C’est le cas contraire des terroristes des années 2000 qui passaient par une intense phase d’endoctrinement et d’acquisition religieuse dans des camps avant d’agir. Raphael Liogier par aujourd’hui d’islamisme sans islam.

      Quant à la thématique de la violence que vous mettez en lumière, là aussi je ne peux qu’être d’accord. En revanche, là ou je le suis moins, c’est lorsque vous suggérez que les minorités ethnicisées vivent, avant l’entrée dans le marché du travail, en vase clos, ne découvrant la violence du système qu’à ce moment. Les pôles (dominants / dominés, riches / pauvres, citadins / ruraux, libres / prisonniers etc) ne sont jamais hermétiques et autonomes. Il y a constamment des flux et des relations de communication avec feed-back. C’est cette « communication » qui donne très tôt, chez les minorités ethnicisées ou géographiquement discriminée (peu importe le nom que nous leur donnons), la conscience d’être rejeté.

      Enfin quant au point numéro 2 que vous évoquez, il peut en effet y avoir globalement une difficulté à se décentrer, vous avez raison.
      L’objectivité quant au « soi » ou au « nous » peut être delicate mais pas impossible. Ce n’est pour moi ici qu’une question de « mauvaise foi ». Nous pouvons le faire mais cela ne nous arrange pas. Cela signifierait un lien, un impact, une cause, une réaction, des corrélations entre « eux » et « nous », entre l’altérité barbare que nous essayons de mettre à distance et avec laquelle nous ne souhaitons aucune forme de relation, et nous. Difficile en effet pour nous de voir un lien entre la naissance du mouvement égyptien des frères musulmans avec la colonisation anglaise de l’époque. Nous preferons voir comme cause la violence intrisèque et naturelle de l’arabe ou de l’islam.

      Dans tous les cas, je vous remercie pour votre remarque enrichissante et vos encouragements.

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