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La « radicalisation de la laïcité » a plus de sens que la radicalisation liée à un contexte islamique.

La radicalisation, terme majoritairement associé à l’islam en France, est un terme « fourre-tout », sans grande signification. Ainsi que je tente de le démontrer au sein de mes travaux à travers une analyse éminemment sémantique, tant que les repères normatifs du radicalisme ne seront pas explicités et à partir du moment ou « le radicalisme » sera compris comme une idéologie de l’extrême (actes et ou pratiques), la notion ne possédera aucun sens. Inversement, l’expression « radicalisation de la laïcité » utilisée par E. Macron ce 21 décembre 2017 semble tout à fait défendable. Comment l’expliquer?

Lorsque l’on parle de radicalisme « islamiste » ou « islamique », l’on a envie de demander : « radical par rapport à quoi” ? Par rapport au droit ? Pas vraiment, puisque nombre de pratiques ou de positions sont ou ont été qualifiées de radicales voire d’extrêmes sans pour autant qu’elles soient ou qu’elles furent illégales. Le niqab et la burqa par exemple ont été qualifiés de la sorte avant même qu’une loi vienne en interdire le port en public. Par rapport à la morale ? La morale est une notion très floue, multiple et très subjective, sans repère aisément identifiable. Par rapport à la violence ? La violence est une notion trop variable : la violence réelle, symbolique, contre soi, contre les autres… Pour reprendre comme exemple le port de la burqa avant son interdiction, si l’on admet un radicalisme avec comme borne de référence la notion de violence, comment pourrait-on qualifier de radical le port de ce vêtement lorsque celui-ci est volontaire et assumé ? Il faudrait alors condamner les actes de violence réels ou symboliques contre soi.

La notion de « radicalisation de la laïcité » utilisée par E. Macron le 21 décembre 2017 est, quant à elle, beaucoup plus acceptable. En effet, la laïcité est du ressort du droit. Les bornes référentielles sont celles-ci. Dit autrement, lorsque l’on dit ici « radical », c’est radical par rapport au droit ou aux textes juridiques idoines.

Alors que la laïcité, de par son traitement médiatique principalement, connaît une vulgarisation et donc un glissement d’un sens juridique vers un sens communnotamment depuis 1989 et les premières affaires du voile à l’école, on note à travers ce passage d’un domaine à l’autre des modifications quant à sa définition et ce vers quoi le terme peut renvoyer. La paranoïa par exemple est un terme issu de la psychiatrie et de la psychologie qui connu lui aussi un glissement de ces disciplines vers le sens commun. Ce glissement se traduit par une perception simplifiée voire caricaturale et déformée de la notion en question. Lorsqu’une personne utilise ce terme, personne ne cherche à constater les signes cliniques de la maladie. La laïcité répond au même mécanisme. Pour beaucoup, la laïcité c’est l’interdiction du fait religieux dans « l’espace public » ou sa relégation à la sphère privée. L’idée que la laïcité s’applique aux citoyens en général est aussi très répandue, alors qu’elle s’applique spécifiquement à l’Etat, à ses institutions, à ses agents et à ses fonctionnaires. Le cas des usagers à travers l’école est quant lui exceptionnel. Faire dire à la laïcité ce qu’elle ne dit pas, et plus précisément lui faire interdire ce qu’elle n’interdit pas revient à « radicaliser » la notion, c’est à dire à lui donner un aspect extrême. Extrême par rapport au droit. L’expression « radicalisation de la laïcité » devient alors tout à fait défendable.

Redwane El Bahar

Doctorant en sociologie, je mène une thèse intitulée : "radicalité, radicalisme et radicalisation en lien avec un contexte islamique en France.

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