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Le prêt-à-indigner

Une fois encore, notre incapacité à nous émouvoir autrement que par l’artifice et l’intervention, que dis-je, le catalyseur d’un tiers aussi vil que fou et incontrôlable qu’est la sphère médiatique, n’inquiète personne.

Nous sommes là, de nouveau, à être indignés, révoltés, dégoûtés par ce qui est porté à notre regard. Mais c’est une indignation qui insulte plus qu’elle ne compatit. S’indigner en fonction de la puissance du message médiatique ou d’une quelconque symbolique est ignoble. S’indigner le lundi à en vomir, le mardi en en être « barbouillé », le mercredi à en ressentir une simple gène gastrique, le jeudi à ne plus rien sentir et les autres jours non plus est plus horrible encore que le mépris. Ça n’est même plus une émotion sélective, c’est suivre la mode (avec tout ce que le concept à de hideux, grotesque et d’insultant) de l’émotionnel, c’est aller là ou il faut être, c’est avoir la pensée du moment. Nous en sommes presque au niveau de la « bonne action » émotionnelle du jour:

De par mon abrutissement au quotidien que je vis très bien et sans complexe, de par mon endormissement intellectuel chronique, de par mon illusion de la vertu par le travail et le bonheur par la consommation, de par mon comportement tribal et primitif à ne voir que mon groupe d’appartenance ou pire, que moi même à travers une course aussi effrénée que misérable à l’égocentrisme débile et pitoyable, je dois faire ma B.A pour garder un semblant d’humanité et d’humanisme: je vais m’indigner pour une âme perdue. Je demeurerai une personne bien comme ça »

Triste mode que celle de l’indignation par les médiums « media » et « symbole ». De ces « ecoeurements » encouragés et transpirants la sincérité et la spontanéité , qui se souvient encore de ces 3 petits enfants explosés, visés précisément et ouvertement par un missile israélien sur une plage alors qu’ils jouaient sur une plage en Palestine? Qui garde une trace émotionnelle des enfants (pour ne citer qu’eux) du génocide rwandais et de ce qu’ils ont pu devenir? Qui se soucie encore des victimes du tsunami, des habitants de Fukushima, de la « petite fille au napalm » et bien d’autres?

En vérité les émotions passent, les infos aussi tout comme les états nauséeux. Certaines vies valent quelque chose, d’autres non. Ça n’est ni plus ni moins la leçon à tirer des ferveurs et des silences médiatiques et populaires. Ces morts ne servent qu’à alléger les consciences des bien-pensants, riches et surtout éloignés de lieux ou se tiennent les drames.
Il est naturel de ne pas pouvoir s’indigner pour toute la misère du monde. D’ailleurs à quoi bon le faire sans action derrière? Mais que l’indignation soit au moins sincere et durable.

La dignité est souvent le dernier bagage d’une personne. Ne le lui volez pas pour apaiser vos consciences.

Redwane El Bahar

Doctorant en sociologie, je mène une thèse intitulée : "radicalité, radicalisme et radicalisation en lien avec un contexte islamique en France.

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