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Les « valeurs de la République » en voie de disparition ?

Même si l’expression, derrière son apparente noblesse, n’a en réalité pas beaucoup de sens, elle demeure très appréciée des acteurs politiques et médiatiques, tous deux entrepreneurs de morale (Cf H. Becker).

Pourtant, dans un avenir proche, elle risque de devenir, même pour eux, inutilisable.

La politique, notamment depuis Macron, a accentué un désengagement de l’État par rapport à ses missions de services publics et de protections sociales. Précisons que ce n’est pas une dynamique nouvelle. Elle a débuté depuis le début des années 80, à la suite des deux chocs pétroliers de 1974 et 1979. C’est le « tournant de la rigueur ». Mais les deux gouvernements Macron ont très ouvertement « radicalisé » le mouvement à travers une politique visant à « détricoter » les systèmes de sécurités sociales du pays.

L’objectif à peine caché est une société libérale, au sein de laquelle l’État se contenterait d’assurer le minimum politique : sécurité des personnes et des biens, protection du droit à la propriété privée…

Dans un tel modèle politique, l’État ne prend généralement pas en charge les aléas de la vie susceptibles de toucher l’individu tout au long de sa vie (perte d’un emploi avec l’indemnisation chômage, maladie avec les congés maladie, pauvreté avec le RSA, l’aide au logement pour les plus fragiles avec l’APL…). Soit tout est assuré par la personne elle-même via des systèmes de protections privées, soit les plus fragiles sont livrés à eux-mêmes, mais dans les deux cas, l’État se désengage.

Même des services comme la lutte contre les incendies pourraient, eux aussi, être délégués à des compagnies privées dotées de moyens modernes et performants pour ceux qui seraient capables de payer. D’ailleurs, qu’il s’agisse de l’hôpital public ou des pompiers, il est aisé, année après année, de constater un délabrement évident, et des coupes toujours plus grandes dans les budgets. Aujourd’hui, ne plus avoir d’antibiotique en France est devenu tout à fait normal, tout comme le fait de mourir aux urgences faute de soins, de lits, de personnels.

Il ne s’agit pas d’une dystopie : la baisse des APL; la volonté du gouvernement de diminuer tant les montants de l’indemnisation chômage que le temps pendant lequel l’individu est protégé; le devoir désormais pour le bénéficiaire du RSA de travailler gratuitement 20h/semaine en échange d’une somme lui permettant juste de survivre; le déremboursement toujours plus important des soins, des médicaments; le projet de supprimer le 100% pour les Français porteurs de maladies chroniques etc. , tout cela va dans ce sens.

Aussi, il ne sera bientôt plus possible d’invoquer « les valeurs de la République » étant donné que « la République » n’assurera plus aucun autre rôle que celui de veiller à la sécurité des citoyens contre la violence des citoyens eux-mêmes (et beaucoup moins contre la violence de l’État), et à la sécurité des biens (qui seront de plus en plus détenus par les plus aisés).

Pour le dire autrement, il sera de plus en plus difficile de solliciter des « valeurs républicaines » lorsque celles-ci suggèrent de plus en plus des devoirs avec de moins en moins de droits (assurés par l’Etat).

L’État, se contenterait d’être simplement le dépositaire de la violence légale, dont on se doute qu’elle se tournerait bien mécaniquement vers les populations les moins légitimes, sortant de son rôle nouvellement réduit pour faire appel aux instincts les plus vils et binaires, au moment des élections.

Redwane El Bahar

Doctorant en sociologie, je mène une thèse intitulée : "radicalité, radicalisme et radicalisation en lien avec un contexte islamique en France.

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