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Qu’est ce que la sociologie?

« Les sociologues, on les voit surtout à la télé aux infos lorsqu’il s’agit de parler des banlieues ou des phénomènes en rapport avec l’islam ou les attentats » m’a t-on récemment dit au cours d’un débat sur ce qu’est ce qu’un sociologue ?

Est-ce caricatural ? Oui. Est-ce faux ? Non. Je ne suis pas certain que d’autres parmi un public non initié auraient mieux fait. J’entends souvent à ce sujet et même chez des individus très qualifiés : « La sociologie ? Ça sert à quoi ? Tu ne fais rien avec ça. » ; ou encore : « Tu étudies la sociologie ?  Oui mais pour faire quoi après ? « ; souvent aussi: « Ca n’est pas vraiment un métier, il n’y a aucune valeur ajoutée. Finalement ça ne sert pas à grand-chose. »  Cela dit, la réponse la plus sérieuse qui mérite attention est celle qui avoue ne pas vraiment savoir en quoi consiste la sociologie. Aucune honte à cela. Après tout, peut-être que les sociologues communiquent mal au sujet de la discipline qui est la leur ?

Aussi vais-je me permettre à travers ce court article, d’exposer en quelques lignes une forme d’introduction à la sociologie qui puisse, je l’espère, permettre au lecteur non initié d’aborder cette discipline de manière simple et claire.

 

QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

L’étude de la société est-on tenté de répondre rapidement. Certes…

La sociologie est une science, c’est-à-dire qu’elle tente d’appréhender et d’organiser le savoir ainsi que les connaissances dans un domaine donné. La science représente alors l’état de connaissance le plus élaboré tout en se sachant faillible pour reprendre les mots de J. Baubérot.

La sociologie va certes étudier la société mais le terme « société » est très vaste. Tellement vaste qu’il ne veut pas dire grand-chose. En réalité, il s’agit plutôt d’étudier des faits de société ou « des faits sociaux« . Cela dit, il ne faut pas confondre fait social et fait divers. Le fait social s’inscrit dans une dimension collective qui va donc concerner les individus ou un groupe d’individus (fonctionnement du système scolaire, rapport de telle ou telle population avec la politique, mode de consommation de tel ou tel produit chez tel ou tel groupe…). Il peut avoir une forme de redondance ou de régularité. Il s’insère dans une dimension large et contextualisée.

A l’inverse, le fait divers est surtout journalistique. Il ne concerne pas forcement les individus ou le collectif (éruption volcanique, gagnant du loto qui ne va pas récupérer ses gains…). C’est le fait pour le fait. Il se suffit à lui-même. Un fait divers peut être un fait social (port du voile par une fille dans telle école, installation d’un camp de SDF ou de « migrants ») mais la posture médiatique l’isole et le détache d’une réalité plus grande ou d’une sphère contextuelle. Le fait divers voire journalistique à pour but le spectacle au sens de « ce qui est à regarder », alors que le fait social appréhendé par le scientifique à pour but la compréhension ou l’explication d’un phénomène.

 

COMPRENDRE ET DECRIRE : LES DEUX GRANDES VOIES DE LA SOCIOLOGIE.

Le travail du sociologue sera donc de comprendre et/ou de décrire un phénomène dans le but de le rendre intelligible. De ce fait il y a deux grandes manières de faire de la sociologie : soit à travers une posture compréhensive soit à travers une posture descriptive.

La branche descriptive comme son nom l’indique s’intéresse plus à la description mécanique d’un phénomène social. Cette sociologie va surtout mettre en lumière des formes de déterminismes sociaux à travers des « jeux » de probabilités (ex : un individu issu de parents ouvriers, pauvres, aura de faibles probabilités de se voir un jour sénateur ou député à travers la mise en lumière d’un ensemble de facteurs sociaux qui l’en empêcheront). La problématique sera de l’expliquer par l’influence de forces sociales sur l’individu ou le groupe.

A contrario, la sociologie compréhensive s’intéressera plutôt à comprendre les buts et motivations des acteurs. Il s’agira moins de décrire les mécanismes que les raisons rationnelles ou non, légitimes ou non, légales ou non des individus pour atteindre des objectifs. Aussi, le sociologue et la sociologie qu’elle soit d’ailleurs descriptive ou compréhensive ne s’intéressent pas du tout aux questions liées à la morale ou relatives au bien et au mal. Il s’agit d’expliquer un fait social ou un phénomène à travers les raisons et explications que donnent les acteurs (ou agents) à leurs propres actions.

 

LE QUANTITATIF OU LE QUALITATIF.

Souvent, la sociologie descriptive se lie avec la posture plutôt quantitative, alors que la sociologie compréhensive si lie davantage avec la posture qualitative.

Le mode quantitatif s’appuie sur des chiffres. Il tente souvent à travers la statistique de mettre en lumière des redondances, des tendances ou de déterminer des « forces » qui vont impacter les individus. La sociologie descriptive cherchant à établir des structures, elle le fait surtout en s’appuyant sur des données chiffrées. Un sociologue qui va étudier le décrochage solaire en zone rurale comparé aux zones urbaines va avoir besoin de « matière »  pour appuyer sa réflexion. La posture quantitative se prête davantage à des études concernant un nombre important d’individus.

Inversement, le qualitatif s’appuiera plutôt sur les récits de vie, des entretiens, des analyses de discours, de textes etc. Les données chiffrées n’y ont pas vraiment d’intérêt. Evoquer les souffrances d’un individu mises en lumière par une interview en terme de pourcentage avance t-il à quelque chose ? Est-ce tout simplement possible même ?

 

L’INTERET DE LA SOCIOLOGIE

Chaque sociologue sera susceptible de donner une explication et un sens à son travail. Néanmoins, la relation avec la notion de sens commun semble significative.

Il s’agit alors de contrer l’illusion de ce qui se donne à voir comme évidence. La sociologie va entrer en « conflit » avec l’opinion et/ou l’imaginaire collectif selon son objet d’étude (déterminer qui sera plus à même de consommer de la moutarde à table n’a pas le même impact passionnel qu’étudier la radicalisation religieuse ou les « migrants »). L’idée est de dépasser le champ des perceptions et de contextualiser un phénomène pour le rendre intelligible et appréhendable selon un fonctionnement général. L’objectif est de rendre compte des différents facteurs qui sont en jeu au sein d’un phénomène pour dépasser l’idée d’opinion ou d’impression.

Certains sujets sont plus sensibles que d’autres. Ce n’est finalement pas un hasard si les sociologues sont plus visibles lorsqu’il s’agit d’évoquer la banlieue, l’islam, la religiosité, les phénomènes migratoires ou le terrorisme. Ces thématiques, fortement chargées symboliquement ne peuvent laisser la société de marbre. Plus un sujet est conjointement abordé par les médias et la politique, plus sa charge symbolique et émotionnelle augmente et moins la posture analytique est tolérable (surtout en période électorale ou le slogan supplante la réflexion). On se souviendra des propos de Valls sur la sociologie comme « excuses » au terrorisme.

 

LA DIFFICULTE DU SOCIOLOGUE

Pour conclure, je voudrais aborder rapidement ce thème.

Il est coutume de différencier les sciences dites « dures » ou « exactes » aux autres sciences. Cette habitude au passage me semble quelque peu malsaine. Les autres sciences seraient « molles » ? « Inexactes » ? Bref. Les sciences mathématiques, chimiques, physiques ou de la nature semblent réservées aux initiés. Difficile pour un néophyte d’avoir un débat critique avec un spécialiste au sujet des lois de la thermodynamique. Pareillement, contredire un chirurgien du cerveau sur tel ou tel protocole opératoire lorsque l’on n’est pas soi-même « initié » est compliqué.

En revanche, tout le monde a un avis sur la société. Nombreux sont ceux qui ne distinguent pas l’opinion du savoir. D’une certaine manière, la sociologie se veut subversive. Dans cette configuration, elle renvoie parfois l’individu à ses « insuffisances » (des savoirs qu’il ne maitrise pas sur un sujet pourtant d’apparence évident, des études qu’il ne possède pas, des donnes chiffrées qu’il ne connait pas etc) et les conversations peuvent parfois être houleuses et la posture du sociologue devenir délicate. Il n’est pas rare, encore une fois selon l’objet d’étude, de voir le scientifique se faire traiter de gauchiste, de « vendu à la solde de », d’être partisan du gouvernement ou tout simple de rendre complexe ce qui finalement est très simple sous couvert d’une « pseudo science ». La difficulté réside parfois plus dans l’exposition de ses théories plutôt que dans l’exploration de l’objet d’étude.

Finalement, la célèbre phrase de Bourdieu sonne toujours aussi juste : « la sociologie est un sport de combat ».

 

                        



Redwane El Bahar

Doctorant en sociologie, je mène une thèse intitulée : "radicalité, radicalisme et radicalisation en lien avec un contexte islamique en France.

Cet article a 2 commentaires

  1. Mathias

    Petite introduction bien sympathique et abordable camarade. Je ne manquerai pas de la partager à des gens de mon entourage si je vois que certains sont encore dans le flou quand à cette discipline, ce qui ne manquera pas d’arriver.
    Personnellement, à la question  » Qu’est-ce que la sociologie ?  » et  » À quoi ça sert ? « , je répond tout à fais simplement que c’est un outil de réflexion, une manière de penser le monde, dont la particularité principale est d’attirer l’attention sur les relations et l’activité humaine. À ceux qui se seraient montrés trop condescendant j’y ajoute toujours un petit  » du coup je doute que ça t’intéresse  » accompagné d’un petit sourire narquois.

    1. Redwane

      Merci pour ta participation et tes apports sur la question. Le monde n’attend plus que tu partages ton savoir. Go!!

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