Nos sociétés modernes, dit-on, deviennent de plus en plus bêtes. Elles régressent même ai-je pu lire encore récemment.
Même si je n’ai jamais cru à l’intelligence autrement que comme un accident de la nature, je ne pense pas qu’il faille céder, aujourd’hui plus qu’autrefois, à la tentation de se considérer comme étant à l’aube d’un basculement crucial.
D’une part parce que les basculements sont rares, l’humain étant mu par un incroyable effort constant à maintenir telle quelle sa médiocrité et sa routine, et d’autre part parce que se croire observateur privilégié c’est penser à travers la centralité, la petitesse et la vacuité de son égo. L’égo, c’est comme les feuilles mortes en automne, on en trouve partout et ça n’a pas beaucoup d’intérêt ni de valeur.
Ce n’est pas tellement que les sociétés régressent, qu’elles voient le temps libre des individus occupé par de l’information incessante, qui nous est imposée, et que nous allons nous-mêmes chercher non sans un certain côté compulsif : un algorithme qui vous retient sur tel ou tel réseau, du divertissement insipide, mais cru et méchant qu’on regarde parce que ça fait le spectacle et qui vaut le coup, ou nos téléphones que nous regardons frénétiquement alors qu’ils ne nous signalent ni message ni mail nouveau.
Non seulement la surabondance d’informations neutralise l’oisiveté – donc soit la rêverie, soit le repos du cerveau – mais en plus elle noie dans sa masse informe, la connaissance ou le savoir. Nous ne les distinguons même plus.
Aussi, nous ne devenons pas spécialement plus idiots, mais simplement de plus en sollicités par des informations sans intérêt, que nous consommons avec avidité, avant des les évacuer presque aussitôt dans une ronde, dont le cycle hideux et grotesque, est reconduit sans cesse, au-delà de tout entendement.
« Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible« . Patrick Le Lay (2004).
Redwane El Bahar